Συνέντευξη της Βερονίκ Μαιρ στην ελβετική εφημερίδα l'Express, 2/7/2015
«Vous avez du travail pour moi à Neuchâtel?»
Véronique Maire répond par une boutade quand on lui demande ce qu’elle pense de l’éventuel retour de la drachme, l’ancienne monnaie nationale, si la Grèce quitte la zone de l’euro. Celle qui a passé son enfance et sa jeunesse à Saint-Imier, Bevaix et La Chaux-de-Fonds (lire ci-contre) vit depuis 23 ans à Athènes. Mais c’est sur l’île de Tinos, en mer Égée, où elle passe actuellement ses vacances, que nous l’avons atteinte. A l’heure où la Grèce fait la une de l’actualité politico-financière, Véronique Maire parle du quotidien, le sien et celui de ses proches.
Commençons par du positif: qu’est-ce qui est agréable en Grèce dans la vie de tous les jours?
Bonne question! Vu les circonstances, il est un peu difficile de répondre... La météo, les fruits et légumes, le marché du mercredi dans une rue voisine. Et puis aussi la spontanéité dans les rapports entre les gens et une certaine souplesse: on ne fait pas ce qui est autorisé, mais ce qu’il est possible de faire, avec ce que cela implique en créativité et en liberté d’esprit.
Et qu’est-ce qui n’est pas agréable?
Les efforts disproportionnés que l’ont doit déployer pour avoir le moindre résultat, surtout si on a affaire à la bureaucratie. Le manque de soin, de persévérance, de respect des choses et des gens, de la chose publique. Aucun sentiment de civisme: l’État me vole, donc je vole l’État.
Globalement, quel est le moral des Grecs ces jours?
Au plus mal, je crois. Ce qui mine le plus, c’est l’incertitude.
Et vos enfants? Perçoivent-ils ce qui se passe?
La petite non, pas vraiment. Mais elle n’a que 7 ans. Mes deux grands enfants, en revanche, comme plus de 300.000 jeunes formés ou en formation, se sont expatriés. Pas d’avenir pour les jeunes en Grèce à l’horizon, malheureusement.
Avez-vous observé concrètement, dans votre vie de tous les jours, des conséquences liées à l’austérité financière de ces dernières années?
Je vis avec mes enfants d’une rente de veuve et orphelins, et depuis sept ans de la location d’un appartement qui nous appartient. Sur mes déclarations d’impôt, mon revenu imposable est passé de 18.000 à 11.000 euros! De plus, étant imposée à la source, j’avais toujours un retour d’impôts de 600 à 800 euros. Maintenant, je paie à peu près ce montant. À cela s’ajoutent les taxes exceptionnelles sur la propriété, soit 2100 euros... Plus une TVA augmentée à 23%! Donc oui, l’austérité financière a clairement un impact sur le train de vie. Mon compagnon, professeur d’histoire de l’art à l’université d’Athènes, gagne environ 1500 euros par mois. Mais nous avons la chance d’être propriétaire de notre appartement et nous n’avons pas de dettes. Donc nous nous en sortons, avec quelques retards de factures de temps en temps.
Ce que vous vivez, ce que d’autres Grecs vivent encore plus durement, justifient-ils à vos yeux que l’on mette un terme à l’austérité financière, ou en tout cas qu’on l’atténue?
Oui et non. Oui pour les personnes qui sont sans travail, sans revenu depuis longtemps. Non pour tous ceux qui échappent toujours aux mesures d’austérité ou qui peuvent encore les supporter. Aujourd’hui encore énormément de personnes échappent aux impôts. L’Église orthodoxe par exemple, qui est parmi les premiers propriétaires fonciers du pays, et dont les 11_000 popes sont salariés de l’état. Et puis il y a les professions libérales, les plombiers, les électriciens, etc, qui ne délivrent pas de reçus, donc ne déclarent pas l’entier de leurs revenus. Tout cela doit être corrigé. L’énorme machine étatique doit encore non seulement maigrir, mais surtout devenir efficace. Il faut en finir, aussi, les pots-de-vin versés pour faire avancer un dossier ou avoir une date pour une opération dans un hôpital.
Que pensez-vous de l’image que se font certains des Grecs, «ces assistés qui ne travaillent pas et qui prennent leur retraite à 55 ans»?
C’est vrai pour une minorité de gens qui sont en général fonctionnaires, installés à des postes honorifiques et qui passent leur journée avec un café à la main. Mais sinon, la grande majorité des gens travaillent beaucoup pour un salaire de misère.
Que pensez-vous de la manière dont le gouvernement grec a négocié avec ses créditeurs?
Ils se sont comportés de manière «révolutionnaire» à leurs yeux. Mais c’est du niveau de comité d’élèves de l’école secondaire – une spécialité de Tsipras dans sa jeunesse...
A vos yeux, le premier ministre Alexis Tsipras a-t-il raison de vouloir donner la parole au peuple grec via un référendum?
Pour moi, non. Ce n’est pas dans la culture politique grecque. Il faudrait d’abord qu’une majorité de gens aient un minimum de vision de l’intérêt supérieur du pays. Mais en Grèce, on ne recherche pas traditionnellement de solution à long terme, on choisit toujours le plus facile. Une image circule sur le net: on y voit le «Titanic» au milieu des icebergs et le capitaine qui dit: «Le moment est venu de passer la barre aux passagers»... Mais attention à ne pas tout mettre sur le dos de Tsipras et de Syriza, son parti!
C’est-à-dire?
Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est un peu la cerise sur un gâteau qui se cuisine depuis plus de trente de démocratie populiste. Ce qui revient à dire que le problème, selon moi, est certainement plus de nature sociologique que purement économique et financier.
Qu’allez-vous voter dimanche prochain et pourquoi?
Ira-t-on vraiment voter? Tout change d’une heure à l’autre... Mais sinon, oui à l’Europe, je voterai oui!
Êtes-vous inquiète pour l’avenir ou tout cela finira-t-il selon vous par se tasser?
Je serai inquiète tant et aussi longtemps que les Grecs ne se décideront pas à modifier leur comportement d’«Orientaux», avec le sentiment d’être le centre du monde et que tout leur est dû parce que la philosophie et la démocratie sont nées sur leurs terres. J’en ai marre d’entendre: «Pendant que l’on construisait des Parthénons, vous bouffiez des glands»... Historiquement, la Grèce a payé chèrement ses quatre siècles d’occupation ottomane et plus récemment la terrible occupation allemande de la Deuxième Guerre mondiale. Mais on ne peut pas toujours mettre la faute sur les autres.
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